Photographier les serpents dans leur milieu naturel est un véritable challenge. Ceux qui s’adonnent à cette spécialité animalière ne le savent que trop bien.

Des connaissances solides des espèces, des comportements et de l’éthologie des serpents sont indispensables. Car avant de devenir un bon photographe de serpents, il faut être un bon herpétologue.

Je vais donc vous donner des outils pour approfondir vos connaissances en herpétologie, vous conseiller sur le matériel de prises de vue et partager mes propres techniques d’approche et de photographie.

Vous aurez ainsi une base solide pour vous lancer dans la photographie des serpents sauvages dans leur environnement naturel.

Rappel de sécurité

Chercher le contact, même en conservant un peu de distance, avec des animaux venimeux tels que les serpents, comporte des risques qu’il faut clairement identifier.

Afin de les approcher et de les photographier dans de bonnes conditions de sécurité, je vous recommande la lecture de mon article «  Comment photographier les serpents en toute sécurité ? ».

Vous trouverez dans cet article les bases indispensables de connaissance et de reconnaissance des serpents avant de vous lancer dans la photographie de reptiles.

« Soyez éco-responsables et ramassez vos déchets et ceux des autres lors de vos prospections. »

 

Une image souvent erronée des populations de serpents.

Afin de photographier les serpents, il est nécessaire de partir à leur rencontre.

Vous pouvez rencontrer un serpent par hasard, mais il s’agira d’un gros coup de chance. Or il faut bien plus que de la chance, il faut de la patience, de la ténacité et de la persévérance.

Car nos amis ophidiens sont plutôt discrets, très discrets même.

Et sans doute parce que c’est un animal qui inspire souvent la crainte, je me suis aperçu que les gens avaient fréquemment une image très faussée de leur densité réelle.

Je vais prendre deux exemples presque caricaturaux mais pourtant vécus pour illustrer mon propos :

1er exemple : la Guyane française.

L’enfer vert tel qu’on se plait à l’imaginer: luxuriant, grouillant de bestioles piqueuses et mordeuses plus agressives les unes que les autres. Le tout agrémenté de quelques records pour illustrer cette infernale vision: la plus grande mygale du monde, le plus gros serpent du monde y sont présents, et même les papillons peuvent vous faire vivre un enfer.

comment photographier serpents et reptiles- saül-guyane française

Le village de Saül, au centre de la Guyane Française, est situé au coeur de la forêt tropicale. C’est le terrain de jeu tout indiqué des herpétologistes et autres naturalistes.

Et bien… que nenni !! Certes l’anaconda, la téraphosa et la papillonite sont bien présents, mais on ne rencontre pas ces bestioles à tous les coins de rue. Et il faut se lever de bonheur et se coucher tard, littéralement, pour rencontrer des serpents.

Theraphosa blondi-la plus grande mygale du monde

La Theraphosa blondi est la plus grande mygale du monde. Impressionnante, elle est strictement nocturne et vit reculée dans son terrier dans les forêts tropicales d’Amérique du Sud.

On pourrait penser que cette vision caricaturale est réservée aux occidentaux. Pourtant, en discutant avec les noirs-marrons et les amérindiens qui vivent dans les villages les plus reculés, je me suis aperçu que l’impression d’une très forte densité reptilienne était également présente dans l’imaginaire collectif.  En effet, la quantité d’espèces est importante ( une centaine en Guyane) mais la densité et le risque de rencontre relativement faibles.

Pourquoi cette impression faussée ? Je l’explique essentiellement par ce que j’aime appeler « la forte emprunte mémorielle » d’une rencontre avec un serpent. En effet, une seule rencontre avec un seul individu peut marquer durablement une personne, sa famille et jusqu’à son village tout entier. Et combien même cette rencontre est isolée et ancienne, ce souvenir collectif persiste, voire se déforme et s’accentue avec le temps.

Dans le cas de la Guyane, la forte densité de serpents relève du fantasme ( malheureusement pour les herpétologues) mais j’ai également rencontré la situation inverse, et j’en arrive naturellement à mon…

…deuxième exemple: Loire Atlantique

Les serpents peuvent se montrer si discrets qu’ils passent totalement inaperçus aux yeux des humains qui les côtoient.

Ainsi, j’ai le souvenir d’une journée avec Guy Naulleau, herpétologue français, à la recherche des vipères bérus en Loire Atlantique. Nous longions une voie de chemin de fer désaffectée jusqu’à arriver à une ancienne maison de garde barrière réhabilitée par un couple avec trois enfants. Ces derniers jouaient tranquillement dans le jardin et allaient et venaient sur l’ancienne voie ferrée. Nous avons demandé aux parents si ils avaient déjà rencontré des serpents autour de chez eux, et notamment des vipères. Réponse négative, sans équivoque : ils n’en ont jamais vu, il n’y en a pas par ici ! …  Or nous venions de capturer une dizaine de vipères bérus et deux coronelles lisses à moins de 200 m autour de leur habitation…

Cette fois, la vision erronée de la population de vipères peut s’expliquer par leur comportement discret et leur faculté à se dissimuler dans leur environnement.

Si vous voulez vous donner les moyens de photographier des serpents, il faut avant tout vous documenter à l’aide de sources sérieuses sur leurs comportements et leurs milieux de prédilection, et parfois laisser de côté le discours des locaux.

 

 A quel moment chercher des serpents ?

 

Les serpents, comme l’ensemble des reptiles, sont des animaux poïkilothermes, c’est à dire qu’ils ne peuvent maintenir leur température corporelle ( contrairement aux mammifères par exemple). Celle-ci varie en fonction de la température du milieu extérieur.

Ceci a une incidence particulièrement élevée sur leur comportement. La thermorégulation est une activité à part entière, notament dans les régions tempérées du globe.

Afin de réchauffer leur organisme, les serpents vont rechercher des lieux bien exposés et des supports qui favorisent la transmission de la chaleur. En Europe, les murettes de pierres disjointes  exposées plein sud offrent un abri particulièrement attrayant à nombre d’espèces.

L’efficacité de la thermorégulation varie en fonction des conditions ( saison, météo, vent,etc…), du milieu ( altitude, substrats, etc) des espèces et même des spécimens au sein d’une même espèce. Certaines espèces présentent des adaptations pour faciliter le phénomène, comme les populations de vipère bérus mélaniques rencontrées dans les Alpes.

 

Une fois la température corporelle nécessaire atteinte, les serpents quittent leur lieu de thermorégulation pour vaquer à leurs activités ( prospection du territoire, chasse, reproduction, etc…). Si les températures deviennent trop élevées, ils vont chercher des abris plus frais et protégés de la chaleur ( ombre, sous-bois, terrier, sous des pierre, etc…). Pendant les plus chaudes périodes, beaucoup d’espèces estivent. Certaines habituellement diurnes peuvent devenir crépusculaires voire nocturnes.

 

Pour optimiser les chances de rencontre, il est donc important de savoir si l’espèce recherchée est plus ou moins thermophile. Il faut tenir compte des principaux facteurs intervenants dans la thermorégulation.

Il est inutile de chercher des vipères aspic à 13h00 en pleine canicule ( sans compter que vous ne bénéficierez alors que d’une très mauvaise lumière pour la photographie). Par contre, une matinée de printemps douce et ensoleillée après quelques jours de pluie est beaucoup plus propice à une rencontre…

 

Dans les zones plus chaudes du globe, les besoins en chaleur sont plus facilement comblés et les comportements de thermorégulation ne sont souvent pas une activité majeure.

Cependant, il est possible de les observer en saison des pluies dans les régions tropicales, notamment lors des premières journées ensoleillées qui suivent des jours voire des semaines de pluies intenses. Globalement, les périodes de transition climatique présentant une grande variabilité de la météo sont les plus favorables.

 

Enfin, de nombreuses espèces à travers le monde sont crépusculaires et/ou nocturnes. Les premières heures du soir son souvent les plus favorables même si certaines espèces ne sont actives que plus tard dans la nuit.

 

De nombreuses études et publications portent sur la thermorégulation des serpents, démontrant dans leur globalité une grande variabilité d’une espèce à l’autre.

Pour optimiser les chances de rencontre, il est également utile de connaître les périodes de reproduction.

En effet, chez nombre d’espèces les mâles peuvent parcourir de grandes distances et prospectent activement à la recherche d’une femelle. Ces déplacements favorisent les rencontres.

Enfin, les périodes de naissance et d’éclosion favorisent la rencontre de spécimens juvéniles, souvent très actifs et plus nombreux que les adultes.

 

 

Où chercher les serpents ?

 

La variabilité des biotopes et des habitats est telle qu’il serait vraiment présomptueux de vouloir en établir une liste exhaustive.

Cependant, vous pouvez suivre des indices qui vous permettront de prospecter les endroits les plus favorables :

 

  • Les serpents sont exclusivement carnivores. La richesse en proies potentielles est un excellent argument
  • Les serpents sont discrets et craintifs: privilégiez les lieux peu fréquentés en dehors des sentiers touristiques et les milieux riches en cachettes, regardez sous les grandes pierres, les souches, etc…
  • Les serpents sont actifs et se déplacent… et croisent souvent les routes. Si on rencontre souvent des spécimens écrasés, il n’est pas rare de les rencontrer bien vivants ! Dans les régions tropicales, les routes peu empruntées traversant de larges zones forestières sont très favorables aux rencontres, de jour comme de nuit.
  • Les serpents sont poïkilothermes : privilégiez les milieux favorables à cette activité, notamment dans les zones tempérées et lors des changements de saison.
  • Beaucoup d’espèces privilégient les milieux humides et leurs alentours : n’hésitez pas à prospecter les zones humides, d’autant plus si vous vous trouvez dans une région aride ou en saison sèche.
  • Ne négligez pas les milieux de transition et les milieux dégradés qui peuvent être abondamment peuplés par certaines espèces. Certains déchets ( matelas, bâches, planches, tôles, etc..) peuvent être opportunément considérés comme des abris.

 

 

«  Toute pierre soulevée et toute souche retournée doit être replacée en veillant à ne pas écraser d’autres animaux ( arthropodes, rongeurs, etc). »

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Exemple de biotope humide en milieu aride, propice à la recherche de serpents. Sultanat d’Oman.

L’approche

Même si vous vous trouvez dans une zone à fort potentiel reptilien et que toutes les conditions sont réunies, la rencontre n’est pas gagnée. Les serpents sont le plus souvent immobiles, très discrets voire mimétiques, partiellement dissimulés dans la végétation et s’enfuient rapidement lorsqu’on les approche. C’est d’ailleurs souvent leur fuite qui révèle leur présence. Ils ont pour la plupart une vue excellente, parfois secondée par des détecteurs thermiques et , à défaut d’ouïe, sont sensibles aux vibrations du sol. Pas facile pour le photographe de passer inaperçu !!

Vous devez donc vous montrer très discrets (des vêtements aux motifs  camouflage peuvent vous y aider), vous déplacer lentement et précautionneusement ( sans taper des pieds !) et observer constamment autour de vous. Une petite paire de jumelles vous permettra d’observer avec plus de distance les milieux ouverts ( éboulis, rive, murette).

Soyez attentifs aux bruits : un serpent qui fuie dans les herbes ou les feuilles se traduit par un bruissement  continue relativement long et régulier ( la fuite d’un lézard se traduisant par un bruissement ou une série de bruissements plus soudains et brefs et moins réguliers).

Si vous avez repéré un serpent au repos, ne vous précipitez pas. Reculez de quelques pas et sortez de son champs de vision pour préparer votre matériel de prise de vue. Prenez le temps de réfléchir au meilleur angle de vue en fonction de la position du soleil, de la posture du serpent, des obstacles et des possibilités d’approche.

La distance minimale d’approche avant que le serpent ne s’enfuit dépend bien entendu de votre discrétion ( et de votre patience), mais également de l’espèce et de son activité.

Une vipère heurtante, grosse espèce africaine, compte sur son mimétisme et peut parfaitement  rester immobile, même à quelques pas. A contrario, une couleuvre verte et jaune, largement répandue en France et en Italie, disparaitra en un éclair au moindre signe d’alerte.

 

Si vous repérez un serpent en activité ( reproduction, chasse, déglutition d’une proie, mue, etc) faites vous le plus discret possible et  suivez la scène à distance sans la perturber. Les serpents sont souvent concentrés sur cette activité et  seront moins sensibles à votre présence, vous permettant de réaliser de beaux clichés. Cependant, l’observation de ces scènes reste très ( trop !) occasionnelle dans la nature.

 

Si vous repérez un serpent en fuite, repérez bien le lieu et éloignez vous pour tenter une nouvelles approche 30 ou 60 minutes plus tard ou postez vous discrètement à l’affut, prêt à la prise de vue. Si vous ne l’avez pas excessivement dérangé, il reprendra vraisemblablement sa place. Si vous en avez la possibilité, vous pouvez également revenir les jours suivants, il est possible de le rencontrer à nouveau au même endroit. Si vous vous trouvez dans une région où la capture des serpents n’est pas réglementée, vous pouvez tenter une capture. Cette méthode présente plusieurs avantages évidents pour la photographie, elle présente également plusieurs inconvénients: d’une part vous perturbez le spécimen capturé avec le risque de le blesser lors de la capture ou de la manipulation, d’autre part vous annihilez toute chance d’observer et de photographier une scène de vie mémorabledans son milieu naturel ( prédation, reproduction, prospection,etc..).

 

Vous rencontrerez souvent des serpents partiellement dissimulés dans la végétation ou des anfractuosités par exemple et qui se prêtent mal à de belles prises de vue.

Là encore vous avez la possibilité soit de tenter une capture, soit de faire preuve de patience et de tenter une approche discrète afin de réaliser des photos in situ et espérer une action ( et de revenir plus tard sur les lieux avec de bonnes chances de rencontre)

 

Quels sont les réglages et paramètres de prise de vue pour réaliser des photographies de serpent ?

 

Les motivations pour réaliser des photographies de serpents sont diverses et nous devons distinguer deux types majeurs de photographie : la photographie d’identification ou à vocation scientifique et la photographie esthétique.

Ces deux types de photographies ne répondent pas aux mêmes exigences et je vais les traiter de façon distincte.

 

La photographie esthétique

La photo esthétique  n’a pas de but scientifique ou d’identification. Elle permet de magnifier en image la beauté de ces créatures. Vous pouvez visiter ma galerie dédiée aux photographies de serpents.

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De face, la vision binoculaire de cette couleuvre arboricole (Thelotornis kirtlandii) est évidente.
Côte d’Ivoire.
Nikon D800 + 105macro VR à 3.5 en lumière naturelle à 4000iso.

 

Des photographes de renoms tels que Guido Mocafico ou Rafi Toumayan se sont illustrés dans ce domaine et de jeunes photographes émergent, propulsés par une meilleure visibilité via les réseaux sociaux comme le talentueux Matthieu Berroneau ou Maxime Briola.

Elle peut se pratiquer avec des animaux sauvages, capturés ou sur le vif, ou avec des animaux captifs.

La photographie d’animaux captifs n’est pas l’objet de cet article et la captivité elle-même va à l’encontre de mes convictions, aussi répandue soit-elle – malheureusement – en ce qui concerne les reptiles et les amphibiens.

Le plus difficile, et de fait le plus valorisant, est la photographie de serpents sauvages dans leur milieu naturel sans capture. C’est une pratique difficile car il est déjà compliqué de rencontrer des serpents, mais les rencontrer sans les effaroucher et les observer dans leur milieu naturel en les photographiant demande, outre une parfaite connaissance des espèces,  une persévérance et une patiente immenses ainsi qu’une bonne dose de chance.

La plupart des photos de serpents sauvages que vous pouvez admirer dans les ouvrages ou sur internet sont des photographies de serpents capturés. Nombreuses, parmi mes propres photographies (voir ma galerie ici), sont celles de serpents capturés mais depuis plusieurs années je m’efforce de les photographier sans passer par cette manipulation

Ce type de photographie est très personnel. Laissez libre court à votre imagination et n’hésitez pas à jouer avec les paramètres de votre boitier et de votre objectif.

Variez les cadrages et les angles de vue : très gros plans, tête, de face, en contre plongée, vue générale, dans son environnement, etc…

Pour ma part, j’affectionne une faible profondeur de champs qui permet de créer un arrière plan très doux et de faire ressortir le sujet. J’utilise à cet effet le mode priorité à l’ouverture ( Av) avec un diaphragme entre f/2.8 et f/4.

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Cette petite couleuvre arboricole a été photographiée en sous-bois en lumière naturelle. Le bokeh lié à la grande ouverture de diaphragme améliore grandement la lecture de l’image et les taches de lumière apportent une plus-value esthétique. Côte d’Ivoire. Nikon D800 + 105mm macro VR à f/3.2 et 1800 iso.

Je préfère également les attitudes naturelles aux photos en position d’attaque ou de défense, gueule ouverte qui, si elles peuvent être spectaculaires, sont surtout synonyme de stress lors de la prise de vue.

Si vous avez capturé le serpent, privilégiez un cadre naturel et évitez les photographies de manipulation et les mises en scènes avec un être humain.

L’une des règles essentielles en photographie est de capter le regard du sujet. L’œil doit donc toujours être net. Si l’œil n’est pas net, votre photo sera ratée.

comment photographier lserpents et reptiles faire la mise au point sur l'oeil

Ici le corps est net mais l’oeil est flou. C’est la sensation de flou qui domine. La photo est ratée.
Couleuvre de Montpellier (Malpolon monspessulanus) Hérault. Canon 1DX2 + 600mm f/4 à f/4. 800 iso. A main levée, in situ sans capture.

 

comment photographier lserpents et reptiles faire la mise au point sur l'oeil

Ici le corps est flou mais l’oeil est net. C’est la sensation de netteté qui domine. La photo est réussie.
Couleuvre de Montpellier (Malpolon monspessulanus) Hérault. Canon 1DX2 + 600mm f/4 à f/4. 800 iso. A main levée, in situ sans capture.

 

Meadow viper - the tongue

Si vous transgressez cette règle, ce doit être un parti pris et non une erreur de mise au point. C’est le cas sur ce cliché spectaculaire d’une vipère d’Orsini réalisé par l’excellent Mathieu Berroneau.

 

La règle des tiers est également de mise : évitez de centrer votre sujet afin de lui donner d’avantage d’impact.

Travaillez également les perspectives : les corps longs et tout en courbe des serpents s’y prêtent.

Privilégiez les vues de face et de profil plutôt qu’une vue de dos ( serpent en fuite) sauf encore une fois si il s’agit d’un parti pris..

Si vous travaillez au flash, pour déboucher un contre jour ou de nuit, utilisez un ou deux flashs déportés, de préférence avec un diffuseur. Vous obtiendrez un bien meilleur modelé et une lumière plus douce et enveloppante.

Vous pouvez également tenter quelques photographies à vitesse lente avec une synchronisation du flash sur le deuxième rideau pour donner plus de dynamisme aux mouvements.

 

L’élément essentiel d’une photographie est la lumière. Quantitativement certes, mais surtout qualitativement. Préférez les lumières naturelles tôt le matin ou plus chaudes de la fin d’après-midi. Elles apporteront d’avantage de modelé à vos images et en plus, c’est à ces moments que les chances de rencontre sont les plus élevées.

 

« Bien évidemment, la maltraitance des animaux photographiés va à l’encontre de toutes les règles éthiques de la photographie animalière. Ne scotchez pas l’animal. Ne le collez pas. Ne le placez pas au réfrigérateur pour le calmer. Ne le frappez pas. Ne le blessez pas. J’en vois déjà certains qui sourient et pourtant ces pratiques sont toujours utilisées par certains « photographes » peu scrupuleux».

 

La photo d’identification

Comme son nom l’indique, elle permet d’identifier ou de confirmer à postériori l’identification d’une espèce. Elle doit donc faire apparaître les critères distinctifs et spécifiques, notamment la tête ( vue de dessus, de dessous et latérale), les rangées d’écailles dorsales et ventrales la région cloacale et la queue, ainsi que quelques vues générales et du lieu de capture.

Elle est généralement accompagnée d’un comptage des écailles ( nombre de rangs dorsaux, de ventrales, etc.) et d’une mesure ( longueur total et longueur de la tête au cloaque) qui aideront à l’identification, ainsi que d’un relevé du lieux de capture ( conditions, météo, température, exposition, substrat, etc.).

L’ensemble de ces données peut être utilisé à fins de recherches ou partagé avec des biologistes.

Ce type de photographie implique le plus souvent une capture du spécimen rencontré, puis une contention de celui-ci pour effectuer les prises de vue, ce qui nous éloigne quelque peu d’une prise de vue en milieu naturel.

Cependant, au risque d’effectuer une légère disgression avec le thème de cet article, je vais vous donner quelques éléments afin de réussir vos photographies d’identification.

Lire la suite du chapitre sur les photos d'identification

Pour plus de facilité, je vous recommande de vous faire assister par votre partenaire de chasse photographique préféré qui pourra maintenir le serpent dans les positions désirées.

A défaut, vous devrez vous débrouiller en tenant le serpent d’une main et en le photographiant de l’autre. Dans tous les cas, ces photos exigeant une capture du spécimen rencontré, ne doivent être réalisées qu’en cas de réelle nécessité.

« Pour rappel ( encore !), ne manipulez pas de serpents venimeux sans une solide expérience, soyez toujours précis et prudents dans vos gestes, ne blessez pas l’animal capturé et manipulez le avec délicatesse, évitez de le stresser. Ne capturez pas un serpent en train d’avaler une proie, de s’accoupler, de muer ou de pondre, ni les femelles gravides. Relâchez-le rapidement sur son lieu de capture après les prises de vue. »

Les photographies d’identification doivent répondre à une exigence de clarté : elles doivent être nettes avec un maximum de profondeur de champs, et correctement exposées.

J’utilise généralement le mode priorité à l’ouverture ( Av) Je vous recommande de fermer votre diaphragme entre f/11 et f/32 ce qui va nécessiter beaucoup de lumière.

Cependant ne vous placez pas en plein soleil : les écailles sont souvent brillantes et les reflets excessifs risquent de compliquer le comptage des écailles. Placez-vous plutôt dans un endroit ombragé et lumineux.

Si des reflets gênants persistent, vous pouvez utiliser un filtre polarisant qui les éliminera très efficacement ( j’y reviendrai tout à l’heure).

L’usage d’un trépied ou d’un objectif stabilisé vous permettra de compenser une vitesse d’obturation lente mais ne compensera pas les flous de bouger du sujet lui-même, hors les serpents sont généralement agités lorsqu’on les capture… à vous de trouver le bon équilibre, en fonction des performances de votre boitier, entre montée en iso, vitesse d’obturation et profondeur de champs pour obtenir le maximum de netteté.

L’utilisation du flash est une excellente solution en photographie d’identification : celui-ci fige le sujet et apporte un éclairage uniforme. En utilisant un ou deux flashs déportés placés à un angle de 45° par rapport au plan de prise de vue vous obtiendrez une lumière uniforme et modelée parfaite pour l’identification.

Afin de collecter un maximum d’informations, voici les photographies et angles de prise de vue que je recommande pour pouvoir ensuite identifier un serpent avec un maximum de certitude:

  • Photos de la tête : face supérieure, face inférieure, les 2 faces latérales. Ces photographies sont particulièrement importantes car l’écaillure céphalique regroupe des caractères indispensables à l’identification ( disposition, forme présence ou absence de certaines écailles, forme de la pupille, taille de l’œil etc.) Il faut placer la tête du serpent parallèlement au plan de prise de vue afin de maximiser la netteté.
  • Photos du cou : c’est la zone de transition entre les écailles céphaliques et les écailles dorsales et ventrales.
  • Les écailles dorsales : des gros plans de la face supérieure du corps mettront en évidence le type d’écailles dorsales et le positionnement des rangées.
  • Les écailles ventrales : leur couleur, leur forme et leur nombre font partie des critères d’identification.
  • La région cloacale et la queue : les écailles anales et sous-caudales entrent également en jeu dans l’identification. Des photographies générales du serpent et du lieu de capture.

Le nombre d’écailles ventrales, d’écailles sous-caudales et de rangs d’écailles dorsales est un critère primordial dans l’identification de beaucoup d’espèces et donc très utilisé dans les clefs d’identification des différents guides.

L’idéal est d’effectuer un double comptage de ces écailles avant de relâcher le spécimen. Il m’arrive parfois, sur de tout petits spécimens dont il est très difficile de distinguer les écailles sans une loupe, de filmer les écailles avec mon téléphone en mode ralenti afin de pouvoir effectuer le comptage à postériori sur la vidéo.

 Éthique, pillage et protection: des questions douloureuses!

Comme je ne cesse de le rappeler, le photographe, l’herpétologue et le naturaliste se doivent de respecter certaines règles éthiques.

Une photographie ne doit pas être réalisée au détriment de l’animal. Par conséquent, les captures doivent être évitées autant que possible. Je sais l’attractivité qu’exercent les serpents lorsqu’on est passionné et le besoin presque impérieux de les capturer. Cette passion a d’ailleurs débuté chez nombre de jeunes herpétologues par la possession de serpents en captivité. Je ne cherche pas ici à dissuader toute capture mais à éveiller les consciences sur les conséquences de cette pratique. Car pour les serpents, il s’agit d’un acte violent et potentiellement traumatisant qui peut avoir des conséquences non négligeables sur son comportement pendant plusieurs jours voire plusieurs semaines.

Nous devons nous montrer respectueux dès la phase de prospection. Lorsqu’on retourne une pierre ou n’importe quelle cache, on doit la remettre avec précaution exactement à sa place. Lorsqu’on capture un animal, on doit le relacher au même endroit et dans les meilleurs délais. Ce sont des règles de bases qui permettent le maintien des populations en place et limitent les perturbations.

Bien entendu, le partage de nos activités herpétologiques est un plaisir mais il faut savoir rester vigilent pour éviter les pillages des hotspots. Nombre d’herpétologues en ont fait les frais. Je vous recommande clairement de ne jamais partager vos hotspots publiquement et sur les réseaux sociaux. Partagez les avec des connaissances en qui vous avez confiance et qui font preuve d’éthique.

Le phénomène de pillage est très répandu en France comme ailleurs dans le monde, et pas seulement en herpétologie. J’ai vu en Amérique du sud des hotspots à Dendrobates totalement vidés de leur population par des trafiquants d’animaux; au Mont Ventoux des souches systématiquement détruites sur des kilomètres par des entomologistes peu scrupuleux à la recherche de tel coléoptère rarissime, et il y a à peine un an, un site à Droséra dans l’Hérault totalement pillé dont tous les plants avaient été prélevés. Je ne compte plus le nombre de fois où toutes les pierres sont retournées sans être remises en place…

Ce sont des pratiques malheureuses, totalement anthropocentrées et aux conséquences parfois dévastatrices pour des populations fragiles. Soyez donc très vigilent dans le partage de vos données et effacez les données de localisation sur les photographies que vous publiez.

En France, la capture, la détention et le transport  des espèces autochtones sont interdits en dehors d’autorisations spécifiques.

 

Quel matériel photographique utiliser pour réaliser des photos de serpent ?

 

Le boitier :

La meilleure option est sans aucun doute d’utiliser un reflexe ou un boitier hybride ( la série des Sony 𝛂 semble excellente).

Ils ont l’avantage de déclencher instantanément, de permettre de débrayer les automatismes et offrent pléthore de raffinements dans les réglages.

Pour ma part je travaille avec des boitiers plein format de marque Canon( après de nombreuses années chez Nikon). Les formats APS-C sont également de grande qualité. Ils ont l’avantage de permettre plus de recul.

 

Les objectifs :

 

En photographie de serpents, trois types d’objectifs peuvent être préconisés :

  • Un objectif macro d’une focale supérieure ou égale à 100mm. Cet objectif permet de faire des gros plans ( jusqu’au rapport 1 :1) et permet de conserver une distance de sécurité avec le sujet.

 

  • Un téléobjectif d’une focale supérieure à 200mm.

Cet objectif permettra de réaliser des photographies in situ à bonne distance. Mes deux objectifs fétiches sont le 300mm f/2.8 et le 600mm f/4 qui sont malheureusement excessivement chers et encombrants.

Un 300mm f/4 est beaucoup plus abordable. Il offre une distance minimale de mise au point très intéressante  tout en conservant une belle luminosité et permet d’alléger le fourre tout et la facture !

La solution d’un zoom type 80-400mm peut également s’avérer une excellente solution car très polyvalente et pratique en voyage. Cependant, vous perdrez un peu en qualité optique et surtout en luminosité aux plus longues focales.

Vous pouvez additionner le téléobjectif d’un multiplicateur de focale. Je vous recommande de ne pas être trop gourmand et de vous limiter à un multiplicateur x 1.4 qui ne détériorera pas trop la qualité et ne vous fera pas trop perdre de lumière.

  • Un objectif grand angle, de préférence avec une distance de mise au point minimale la plus courte possible permet de faire des plans originaux dans l’environnement. Aujourd’hui certains zooms sont très qualitatifs comme le Canon16-35 f/4  ou le Sigma 11-24 f/4 Art qui permettent de s’approcher très près du sujet et sont polyvalents.

 

Les accessoires

  • Trépied et monopode permettent d’améliorer sa stabilité. Longtemps jugés indispensables en macro photographie, les technologies embarquées dans les boitiers et les objectifs ( notamment la montée en iso très qualitative et la stabilisation intégrée) permettent de s’en passer de mieux en mieux.

Cependant, lorsque vous vous approchez vraiment près du rapport 1 :1 ou que vous le dépassez, le trépied redevient indispensable.

Il en est de même si vous disposez d’un téléobjectif lourd et que vous comptez faire de l’affût.

Un bean-bag peut s’avérer très utile pour se caler lors de prises de vue au ras du sol.

 

  • Les flashs : aujourd’hui je ne recommanderai pas d’acheter un flash d’une grande marque. Vous trouverez du chinois pas cher et bien assez costaud et efficace pour cet usage. A mon sens, pour le même prix mieux vaut acheter trois flashs chinois qu’un seul flash de marque. Le potentiel de créativité est vraiment démultiplié ! Je travaille avec des marques chinoises en utilisation intensive depuis plusieurs années et je n’ai jamais rencontré de problème particulier. Et ma foi, si j’ai un flash qui me lâche, j’en rachèterai un autre…

Certaines marques proposent des flashs annulaires ou des systèmes de flashs dédiés à la macro ( comme Nikon avec son kit SB R1C1). Ces flashs ne sont pas vraiment adaptés à la photographie de serpents. Je recommande plutôt l’usage de flashs cobra (beaucoup plus adaptés comme leur nom l’indique 😉) en usage déporté avec des diffuseurs.

comment photographier serpents et reptile-utilisation flash

Cette petite couleuvre malgache ( Mimophis mahfalensis) a été photographiée de nuit à l’aide d’un flash déporté sans diffuseur en léger contre jour. Elle se tenait immobile sur une feuille de palmier et n’a pas été capturée pour réaliser la photographie.

 

  • Les diffuseurs permettent d’adoucir la lumière en augmentant la surface d’éclairage. Vous trouverez plein de modèles sur Amazon ou sur des sites spécialisés comme Jama. Vous pouvez également en confectionner un vous même pour quelques sous…

Un petit réflecteur peut également permettre de déboucher facilement les ombres en cas de lumière trop dure.

 

  • Les compléments optiques : bonnettes, bagues-allonge ou multiplicateurs de focales peuvent être utilisés pour obtenir des rapports de grandissement plus importants ou pour conserver une plus grande distance avec le sujet dans le cas des multiplicateurs de focale.

Au- delà du rapport 1 :1, vous entrez réellement de plein pied dans le domaine de la macro, régit par des règles de prises de vue spécifiques et très contraignantes ( qui seraient hors sujet ici et auxquelles sont consacrés des ouvrages entiers).

 

  • Le filtre polarisant permet d’éliminer les reflets et d’améliorer le contraste. Les résultats peuvent être spectaculaires. L’élimination des reflets ne peut se faire en post traitement ( à moins d’être un professionnel de Photoshop et d’y passer des heures) ce qui fait du polarisant un filtre irremplaçable. Les deux photos ci-dessous en témoignent ( aucune différence de traitement entre les deux photos, il s’agit uniquement de l’action polarisante du filtre).

 

comment photographier serpents et reptiles utilisation filtre polarisant

Crocodile du Nil (Crocodylus niloticus) photographié sans filtre polarisant. Côte d’Ivoire. 600mmf/4

 

comment photographier serpents et reptiles utilisation filtre polarisant

Crocodile du Nil (Crocodylus niloticus) photographié avec filtre polarisant. Notez que les reflets sur les écailles et les feuilles de nénuphar ont disparu, ainsi qu’à la surface de l’eau qui offre d’avantage de transparence. Côte d’Ivoire. 600mmf/4

Conclusion

La photographie de serpent, quel que soit l’objectif à atteindre, est soumise à de nombreuses contraintes de part la difficulté d’approche des sujets.

Une approche respectueuse de l’animal et de son environnement doit être la première valeur de tout photographe animalier.

Se documenter sur les espèces recherchées, faire preuve de patience et de persévérance, maitriser son matériel photo et les techniques de base sont nécessaires pour espérer atteindre un résultat à la hauteur de ses espérances.

C’est avec l’expérience et dans le partage de celle-ci que vous progresserez le mieux et vous épanouirez dans cette discipline si particulière.

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